Les fils d’or
L’utilisation la plus ancienne des fils pour embellir le visage se retrouve dès l’Antiquité Égyptienne , ou l’on plaçait déjà des filaments d’or sous la peau afin de la tonifier. Le mécanisme de cette action n’est toujours pas connu, mais les versions plus modernes d’implantation de fils d’or associent un fil de suture résorbable au fil métallique afin de provoquer une courte inflammation pouvant expliquer un petit et bref résultat.
Malgré ce très faible résultat, les fils d’or ont connu un certain succès pendant des décennies en Europe sous le nom de Face Mending , maillage du visage , et connaissent une vogue récurrente dans de nombreux pays asiatiques, où, plus encore qu’en Occident, l’Or est porteur de vertus magiques et lié à l’Eternité.
Ces fils ont envahi l’espace médiatique il y a quelques années au point qu’ils étaient devenus la référence des « fils ». Ils n’ont pourtant aucun effet réel de suspension . De plus ils finissent comme autant de petits fragments métalliques placés sous la peau, susceptibles de migrer, très repérables à la radiographie, indésirables lors d’une IRM, et que l’on ne peut évacuer que lorsqu’ils affleurent à la superficie des tissus, peau ou muqueuses, notamment buccale et conjonctivale. Il faut surtout comprendre qu’ils n’ont strictement plus aucun intérêt aujourd’hui et que leur succès a été un des premiers signes du profond désir des patients d’accéder à des techniques non chirurgicales appliquées au rajeunissement du visage.
Les fils de suture lisses.
Les fils chirurgicaux modernes sont bientôt centenaires. Leur biocompatibilité et leur qualité technique est maintenant parfaite. Indépendamment des sutures, ils permettent d’avoir une action concentrante sur les tissus à condition de les cercler. Ce sont donc les premiers fils à être utilisés en suspension en de nombreuses spécialités chirurgicales depuis fort longtemps, en cerclages d’abord, mais aussi en boucles et en brides, qui suspendent plus qu’elles ne concentrent.
Ils sont apparus en esthétique avec le Curl Lift du Dr Guillemain dans les années 50, quand il a appliqué ce principe de boucle aux tissus cutanéo-graisseux superficiels. Sa version moderne, qui ajoute un « coussinet » de Goretex ® au creux de la boucle pour empêcher le cisaillement des tissus par le fil, est rebaptisée « Filting » par un plaisant anagramme dû à l’auteur de cette amélioration, le Dr. Georges Bassereau.
L’attache haute se trouve en zone temporale, ce qui vaut d’avoir parfois une irritation de la peau fine par le nœud fixant, pouvant aller jusqu’à l’ulcération circonscrite alternant avec un bourgeonnement de type botriomycome. L’exérèse du point d’attache et de tout le système, bilatéralement bien sûr, est la seule, logique et simple solution au problème.
Les boucles sont majoritairement posées avec des aiguilles spéciales en ce que le fil qu’elles tirent est serti à leur partie médiane. Cela permet de faire de longues implantations sans ressortir l’aiguille des tissus, évitant ainsi le risque de dépression cutanée par proximité excessive du fil et du derme.
Les boucles sont efficaces mais ont de grands défauts. Elles sont plus utiles lorsqu’elles cerclent une masse arrondie que lorsqu’il s’agit de remonter des volumes plus étalés. Surtout, elles n’ont pas le pouvoir de redistribuer linéairement les tissus sur une certaine longueur et ne peuvent que les concentrer de manière trop hétérogène dans le bas de la boucle. Elles sont difficiles à symétriser.
La zone de tissus la plus concentrée est la plus exposée au cisaillement par le fil. Elle risque de présenter un aspect de dépression tout en étant le siège de douleurs qui obligent finalement à démonter le système.
Ce démontage de boucle se fait d’ailleurs facilement, en quelques minutes sous anesthésie locale, et entraîne une restitutio ad integrum des tissus….affaissement compris.
Les fils de suture crantés.
C’est le principe résolument innovant du crantage , inventé en 1956 par le Dr J.H.Alcamo, chirurgien américain qui déposa un brevet (superbement illustré) agréé en 1964. Il suggérait déjà d’implanter ces fils de manière sinueuse, afin d’améliorer l’accroche dans les tissus. Ce nouveau système de suture devait pouvoir s’effectuer à l’aide d’une machine à coudre (!) qu’il avait aussi conçue mais qui n’a jamais vue le jour. Ces fils, qui n’étaient crantés que dans un seul sens (crans unidirectionnels) n’ont vraisemblablement jamais été fabriqués.
Le Dr H.J.Buncke , chirurgien américain reconnu comme un des pères de la microchirurgie moderne, est le détenteur d’un brevet déposé en 1997 photo 7 Bunke et approuvé en 1999 concernant des sutures à barbules uni mais aussi bidirectionnelles. Bien qu’inspiré depuis longtemps par les micro-systèmes de harponnage présents dans la nature, tels que piquants de porc-épic ou têtes de graminées, il ne déposa un brevet que 40 ans après Alcamo, devançant de peu un chirurgien russe qui commercialisa massivement les premiers fils crantés.
Le Dr Marlen A. Sulamanidze , chirurgien géorgien, expérimenta d’abord des fils crantés unidirectionnels, puis des fils bidirectionnels qu’il nomma APTOS®, (anti ptose) pour lesquels il proposa un protocole d’implantation et dont il assura fort bien la promotion en Europe puis dans le Monde.
Ses fils courts, souvent sujets à migration, extrusion et inflammation tissulaire parfois très tardive (plus de 10 ans) en raison de leur raideur et de leur crantage dur et très pointu, manquaient surtout d’effet dans la durée. Il les a donc abandonnés en 2008 pour utiliser dans les tissus mous des fils plus longs à crantage plus travaillé, ainsi qu’un autre type de fil, l’APTOS SPRING®, non plus cranté mais lisse et spiralé, et dont la mémoire de forme est censée pourvoir au maintien de l’effet liftant malgré les mouvements faciaux. Il est surtout utilisé dans le traitement des rides de la marionnette. De l’avis même de son inventeur, la puissance de ce fil est modeste, probablement en raison de la très faible mémoire de forme du polypropylène. Ces fils, enroulés sur un trocart d’insertion spécial de diamètre non négligeable, sont maintenant disponibles en France, et se trouvent dans la gamme de fils la plus large du marché. La gamme APTOS™ comprend des fils lisses et crantés, permanents ou résorbables (Aptos soft ®), et propose plusieurs options d’aiguilles serties pour certains fils.
La société Promoitalia™, chargée de la fabrication et de la distribution des fils APTOS ® dans certains pays d’Europe, a proposé en 2007 des fils crantés résorbables, les fils HAPPYLIFT®, nommés ANCHORAGE® en version sertie. Leur crantage est du type APTOS ® mais la longueur des crans est très modeste et leur confère une accroche pour le moins capricieuse.
Leur action doit plus à la biostimulation qu’à la suspension, comme tous les fils résorbables.
Chirurgien américain, le Dr G.L.Ruff , a déposé en 1994 et 2001 plusieurs brevets de dispositifs crantés avec leur système d’implantation, et a fondé la société QUILL™, qui après avoir acquis les brevets de Buncke et s’être associée avec Surgical Specialities Corporation™, a commercialisé en 2004 les CONTOURS THREADS®, surtout à l’intention des chirurgiens. Ces fils à crans unidirectionnels ont été produits en 2006 dans une version bidirectionnelle, l’ARTICULUS 400®. Malgré l’implantation sinueuse -préconisée par Alcamo il y a plus de 50 ans – qui permettait un gain d’accroche multiplié par quatre, ces fils ont déçu leurs utilisateurs en raison de plusieurs imperfections, notamment un crantage très long et trop fragile, ainsi qu’une forte tendance à l’arrachement de l’attache temporale.
QUILL™ a renoncé à ses Contours® et ses Articulus®, et avec eux semble t’il au domaine de l’Esthétique. Mais cette société continue de produire des fils crantés qu’elle destine maintenant aux fermetures de cicatrices en zones difficilement accessibles, véritable retour aux sources pour le fil cranté. La gamme comprend deux fils résorbables (PGA-PCL et Polydioxanone, efficaces respectivement entre 3 à 4 mois et 4 à 6 mois) et deux fils permanents (Polyamide et polypropylène).
Les médecins français se sont aussi intéressés à cette quête d’un fil de suspension compétent. Le Dr J.Frismand , alors chercheur en la société Cousin-Biotech™, a conçu en 2006 sous l’impulsion du chirurgien E. Semeria à qui la raideur et l’agressivité des fils russes n’avaient pas échappé, un fil en monofilament tricoté de polypropylène permettant une grande souplesse avec de multiples points d’attache tissulaire. Ce fil UPACTIV®, bidirectionnel souple et très peu agressif est d’une texture
parfaitement adaptée aux tissus de la face.
Mais il souffre d’une certaine faiblesse aux extrémités lors de l’implantation, et à terme d’une tendance à un léger allongement qui pénalise la durée du résultat, ce qui expliquerait pourquoi il répond assez mal à la retension effectuée avec la technique Easylift®. Enfin, il est facile de le détériorer en voulant l’extraire des tissus puisque sa structure en tricot est fragile et ne résiste pas au crochet de Muller.
Le Dr J.Frismand , devenu indépendant à la tête de la société 1st Surgiconcept™, a créé en 2008 un autre fil, le SPRING THREAD®, de structure complètement nouvelle dans le domaine cutané, mais inspiré du brevet datant de 2002 de l’américain James Davidson qui destinait son produit au remplacement des ligaments. Ce ligament intègre deux matériaux biocompatibles ; le polyester sous la forme d’une âme rendue hélicoïdale par torsion limitant la longueur du ligament en cours de tension, et la silicone sous la forme d’une gaine donnant au fil une certaine élasticité et présentant des protubérances atraumatiques suffisantes pour permettre l’attache des fils aux tissus.
On suppose néanmoins que l’élastomère de silicone étant connu pour sa faible élasticité, que le fil ne travaille en permanence qu’en pleine tension une fois en place.
Ce fil bidirectionnel est solide dans sa longueur, souple, élastique, et efficace sans être agressif. Il se décline en deux versions, la plus petite pour le visage, et la plus importante pour le corps.
Mais sa faiblesse vient de cette même structure à double composant, qui, lorsque la fabrication n’est pas parfaite, fait se désintégrer la gaine dont les crans deviennent autant de corps étrangers sous-dermiques échappant au contrôle, alors que l’on est en droit d’attendre d’un produit implantable qu’il soit intégralement explantable. L’explantation facile et complète étant un avantage majeur de cette technique médicale en comparaison de la chirurgie, par la sécurité potentielle de réversibilité qu’elle apporte.
Le chirurgien américain N.G.Isse, un des pionniers du lifting endoscopique, s’est intéressé aux fils à une époque ou beaucoup d’expériences étaient déjà faites, ce qui lui permit de se lancer dans la conception de son propre produit. Le fil qu’il a développé et commercialisé en 2007 est très original.
Il s’agit d’un système à crans unidirectionnels nécessitant une fixation temporale, laquelle est consolidée par une plaque textile. Lors de l’implantation, l’abord de l’aponévrose temporale par une ouverture non négligeable lui confère un caractère de technique chirurgicale.
Le SILHOUETTE SUTURE® (devenu SilhouetteLift®) est composé d’un fil lisse de polypropylène de petit diamètre – 3/0 = 2/10 de mm - noué tous les cm. Un petit cône d’un matériau résorbable en 6 mois maximum (mélange d’acide polylactique et glycolique), se trouve bloqué entre deux nœuds du fil permanent de polypropylène, ce qui permet une accroche solide à l’implantation et va provoquer lors de sa dégradation une réaction inflammatoire permettant - en principe- de faire tenir ensuite dans les tissus le seul fil à nœuds.
Il semble qu’en réalité cela reste de l’ordre du principe.
L’objectif du Dr Isse est d’obtenir une tenue de 2 ans, comparable à celle des injectables volumateurs résorbables. Compte tenu du caractère résorbable du crantage en 6 mois maximum, l’objectif ne peut être atteint. Il eût portant été bon de l’atteindre, compte tenu des conditions d’implantation qui ne sont pas légères, ces fils étant majoritairement posés sous anesthésie générale brève, donc en milieu chirurgical et à des tarifs non négligeables.
Il semble qu’en raison de la trop grande différence entre le résultat promis et le résultat obtenu, de très nombreux chirurgiens qui s’étaient mis à les pratiquer avec enthousiasme se soient détournés de ces fils, amalgamant au passage dans cette vision négative l’ensemble des fils, y compris les fils permanents. On est en droit de s’interroger sur la surprenante naïveté de ces praticiens, réputés pragmatiques, à se laisser conter des merveilles alors qu’il est facile d’imaginer qu’un effet (la traction) disparaît si la cause (les crans) disparaît, et qu’après quelques mois, quelques nœuds minuscules sur un fil 3/0 ne pourront jamais soutenir des tissus aussi lourds et faibles que ceux des pommettes et des bajoues. Enfin la logique d’une association « permanent – résorbable » ne paraît pas évidente, puisque la présence de l’un annule les avantages de l’autre.
Actuellement et probablement pour revenir à un produit plus logique, s’ajoutent aux précédents les fils SILHOUETTE SOFT®, totalement résorbables, qui sont placés vers la pommette pour la remonter. Il serait souhaitable qu’à la suite de l’expérience de leurs prédécesseurs, on ne leur accorde pas abusivement un crédit « durée » supérieur à quelques mois. Comme ils concentrent légèrement la pommette plutôt qu’ils ne la remontent, et plus volontiers chez la patiente jeune, ils ne sont que de faibles et compliqués concurrents aux injections judicieuses d’acide hyaluroniques volumateurs dans cette indication. Chez la patiente plus âgée, l’effet obtenu sera inévitablement insuffisant et frustrant.
Mais surtout, l’unique mode d’implantation proposé, très peu pertinent, comporte un point d’entrée en plein centre de la pommette et expose, avec un nombre de praticiens importants, à une grande fréquence de fossettes et de cicatrices punctiformes sur une zone de premier plan.
Le chirurgien bolivien vivant au Brésil, J.A.E.Beramendi , s’inspirant de ces fils russes comme tant d’autres ( cf Dr Wu et son Woofle lift, exacte copie du fil de Sulamanidze), a produit des fils rigides à crantage d’une taille impressionnante, en polypropylène moulé, nécessitant un trocart d’implantation encore plus imposant. Ils ne sont pas proposés en France, mais il ne parait pas possible de les implanter dans la peau fine des Européens du Nord. La notion de faible invasivité trouve sa limite avec ce type de fil, fil n’étant d’ailleurs plus le terme adapté.
Ne sont évoqués ici que les fils dont la diffusion est ou a été large.
D’autres produits ont vu le jour, dont certains sont d’une conception dont la logique nous paraît définitivement mystérieuse. Par exemple ILift®, dont les crans sont fort longs - ce qui n’est pas un gage de solidité - et cohabitent dans les deux sens sur toute la longueur du fil. D’autres ont des crans divergents, ce qui sans positionnement en bride fixée ne pourra donner aucun effet de suspension.
La qualité d’un fil est sans doute un élément fondamental pour obtenir un bon résultat et il n’est pas certain que le fil parfait soit déjà existant. Mais les résultats avec les fils les plus récents laissent présager des évolutions dans le domaine du lifting non chirurgical. Certains chirurgiens des plus avisés ont compris le point fort des fils qu’est l’action malaire et les ajoutent systématiquement lorsqu’ils pratiquent un lifting cervico facial chirurgical. De leur propre avis, les résultats sont remarquablement naturels puisque cette zone majeure pour le regard se trouve alors efficacement rehaussée, ce qui ajoute de la cohérence au résultat.